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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/140

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Alors j’ai doucement ouvert la porte.

La chambre était éclairée par une lampe d’albâtre placée sur la cheminée.

Régina dormait.

Elle dormait si profondément que, grâce à l’épaisseur des tapis, j’ai pu m’approcher assez près de son lit pour entendre son souffle doux et paisible…

La nuit était étouffante… Régina, ses grands cheveux noirs dénoués, dormait dans un désordre qui m’ôta le peu de raison qui me restait… Au moment de me jeter sur ma proie, j’ai machinalement regardé de côté et d’autre d’un œil oblique, comme si j’avais craint qu’il n’y eût quelqu’un là, quoique je fusse sûr d’être seul… Dans ce mouvement de tête, mes yeux se sont arrêtés soudain sur le miroir de la cheminée, assez vivement éclairé par la lampe d’albâtre…

Dans cette glace, j’ai vu une figure livide, dont l’expression était si hideuse, si féroce que, dans mon épouvante, augmentée du délire de mon imagination, je suis resté pétrifié… fasciné devant cette effroyable vision… puis ma raison s’est réveillée…

Cette figure livide, qui m’épouvantait… c’était la mienne.

Expliquer maintenant comment un éclair de raison a suffi pour illuminer l’abîme où j’allais tomber et m’en montrer l’horreur… expliquer par quel phénomène j’ai brusquement reculé devant l’assouvissement des plus exécrables passions, en les voyant éclater sur mon visage, en traits hideux, en voyant pour ainsi dire écrit sur ma face, l’infamie de l’acte que j’allais commettre… expliquer enfin comment ce dicton vulgaire : — si vous