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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/153

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Par la disposition des lieux, je voyais le prince de profil, assis devant un bureau, le menton appuyé dans ses mains ; il semblait contempler avec une attention profonde et douloureuse un magnifique portrait de Régina, peint peu de temps après son mariage. L’expression de la figure du prince, sur laquelle je vis la trace de larmes récentes, était si désolée, si navrée, si touchante que, tout d’abord, j’ai ressenti, malgré moi, autant d’intérêt que de pitié pour cet homme, dont je n’avais jamais soupçonné le malheur ; une pensée rapide comme l’éclair m’a traversé l’esprit… Sans doute le prince adorait toujours sa femme, et peut-être il cachait cet amour par orgueil.

Effrayé de l’espèce de secret que je venais de surprendre, j’ai seulement alors songé que le prince m’ayant dit : — Entre, — avait cru s’adresser à Louis, à qui il ne cachait sans doute aucune de ses impressions.

Heureusement j’étais resté sur le seuil de la porte entr’ouverte, et le prince était tellement absorbé, qu’il ne paraissait pas même s’apercevoir de ma présence.

Me reculant alors d’un pas en arrière, dans l’espoir de n’avoir pas été vu, je me suis retiré à l’abri de la porte entrebâillée et j’ai frappé de nouveau et plus fort.

— Mais entre donc… Louis, — m’a dit M. de Montbar.

— Prince… ce n’est pas Louis, — ai-je répondu sans paraître.