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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/168

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— Soyez tranquille, Monsieur le Marquis, — me répondit Jérôme à demi-voix, pour me prouver qu’il n’avait rien oublié.

— Mais filez vite… voilà l’autre Pierrot qui prend son billet au bureau.

En effet, à son rang, derrière cinq ou six autres personnes déguisées, l’autre Pierrot, le prince de Montbar… attendait son tour de payer son entrée à un petit guichet gardé par deux gardes municipaux.

Je me mis immédiatement derrière le prince, afin de ne pas le perdre de vue.

Je pris mon billet après M. de Montbar, et je le suivis pas à pas.

Après avoir traversé une sorte d’allée assez longue, de chaque côté de laquelle s’ouvraient des cabinets destinés aux buveurs, nous entrâmes dans une salle immense, éclairée par des lustres garnis de quinquets rares, fumeux, qui ne jetaient qu’une lumière diffuse, et laissaient presque dans l’obscurité une galerie ou tribune exhaussée de six ou sept pieds, qui occupait les deux côtés de ce long parallélogramme. Dans cet espace étaient disposés une grande quantité de tables et de tabourets destinés aux buveurs, qui de cet endroit élevé, pouvaient jouir du coup d’œil du bal costumé.

Je fus un moment abasourdi par le tapage infernal de l’orchestre, uniquement composé d’instruments de cuivre assez retentissants pour dominer le tumulte de cette immense cohue où plus de cinq cents personnes parlaient, chantaient, riaient, criaient, hurlaient, tandis que le plancher, d’où s’élevait une brume poudreuse, tremblait sous les piétinements frénétiques des danseurs.