Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/177

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gnantes émotions dont il était torturé, et qui me prouvaient ce que j’avais tant d’intérêt à savoir : qu’il aimait encore passionnément Régina, le prince ajouta avec impatience :

— Et d’ailleurs, tout cela m’est égal… Buvons un verre… et… bonsoir… je suis las d’écouter tes balivernes.

— Ah ! mon vieux, — dis-je au prince d’un ton de reproche, — c’est pas bien… envoyer paître… un ami qui est dans la peine, un ancien ami…

— Il est stupide… — dit le prince en haussant les épaules.

— Traiter ainsi un ami… repris-je en accentuant lentement mes paroles, — un ancien du cabaret des Trois-Tonneaux…

Au souvenir de ce cabaret où il s’était plusieurs fois enivré, le prince ne put cacher un mouvement de surprise inquiète, et me dit :

— Au cabaret des Trois-Tonneaux ?… Tu te trompes… je ne connais pas ce cabaret.

— Allons donc… nous y avons bu vingt fois ensemble… et il y a de ça déjà long-temps.

— Ce n’est pas vrai…

— Écoute,… mon vieux,… je vas bien te prouver la chose… Un soir… dans le mois de décembre… il faisait un temps de chien… tu étais aux Trois-Tonneaux… tu buvais une bouteille d’eau-de-vie.

— Ce n’est pas moi… te dis-je, misérable brute, — s’écria le prince, — tu es ivre.

— C’est un peu fort ! Comme si je ne te connaissais pas ; comme si je ne savais pas ton nom ?