Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/176

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— Eh ! qu’est-ce que cela me fait à moi… ta femme ? — s’écria le prince avec impatience.

— Après ça — continuai-je sans avoir égard à l’interruption de mon maître — faut être juste… ma femme était dans son droit…

— De quoi te plains-tu alors ?

— De quoi je me plains ? mon pauvre vieux ? Mais figure-toi donc… que, malgré son soldat du génie… avec qui elle m’abîme… je l’adore tout de même…

— En ce cas, tu n’es qu’un lâche ! — s’écria mon maître, de plus en plus irrité des singuliers rapprochements qu’il voyait sans doute entre ma position supposée, et la sienne, — tu es un misérable… si tu l’aimes encore…

— Ça t’est bien facile à dire… à toi, mon pauvre vieux… qui ne la connais pas… une si belle femme !

— C’est bien… assez.

— Tiens… ce matin encore… je regardais sa silhouette, tu sais ces profils en papier noir qui coûtent cinq sous… Je l’avais fait faire dans le temps… et je me disais en la regardant et en pensant à son soldat du génie… quel dommage que !…

— Mais, malheureux, lâche ! — s’écria le prince, les dents serrées de rage, — pourquoi ne l’as-tu pas tué, cet homme ? puisqu’il te déshonorait ?

— Tu l’aurais donc tué… toi, vieux ?

— Il ne s’agit pas de moi, — reprit le prince avec hauteur, et en s’emportant malgré lui, — tu pouvais montrer ta jalousie sans crainte d’être écrasé de ridicule… toi.

Puis, comme s’il eût regretté de trahir ainsi les poi-