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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/179

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— Garçon !… — s’écria le prince en se levant sans me répondre.

— Mon vieux, tu resteras,… — dis-je au prince en me levant à mon tour, — car si tu abandonnes comme ça un ami dans la peine,… je me jette à ton cou, je m’accroche à toi et je t’appelle par ton nom de prince… aussi haut que tu as appelé le garçon…

Cette menace arrêta et effraya mon maître ; il se rapprocha de la table, me regarda pendant quelques secondes avec une attention courroucée, tâchant sans doute de reconnaître ou de deviner mes traits sous la couche de peinture dont ils étaient couverts ; mais, n’y pouvant parvenir, il me dit en regardant de nouveau autour de lui, avec anxiété :

— Voyons, que veux-tu pour te taire ! misérable !… de l’argent, n’est-ce pas ?

— Je veux m’épancher dans ton cœur, mon pauvre vieux, parler de l’ancien temps… oui, et si tu me refuses cette douceur, je te nomme… j’ameute les Titis, les Débardeurs, et je leur crie : ohé… ohé… les autres !… venez donc voir la curiosité du bal… Ce Pierrot que vous voyez, ce n’est pas un Pierrot,… c’est le…

— Je t’en supplie ! tais-toi, — s’écria mon maître d’une voix presque implorante, car j’avais assez élevé la voix pour que les buveurs voisins se retournassent vers nous. — Il y a vingt louis dans ma bourse, — ajouta le prince à voix basse, — viens dehors… avec moi… ces vingt louis sont à toi…

— Connu… mon vieux… tu ne me les donnerais pas.

— Je te jure !!