Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/180

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— Et puis, vois-tu, — repris-je en affectant une ténacité d’ivrogne, — ton argent ne me donnerait pas un ami… je ne pourrais pas m’épancher… dans ton argent… tandis que… m’épancher… dans un prince… comme toi, dans un vrai prince qui trinque et ribotte… avec le dernier des voyous : avec les premières canailles venues… pas plus fier que ça, je ne peux pas renoncer à ce délice… de m’épancher ; rassois-toi donc et causons de nos bamboches… mon pauvre vieux, ça me fera oublier ma femme… et si tu me refuses de jaser un brin… ohé… les autres…

— Tais-toi… je reste, — s’écria le prince, — puisque je le dis que je resterai… — et il ajouta avec une rage concentrée : — voyons, que veux-tu ? dis vite… et finissons.

— Comment, mille dieux ! finissons ; nous n’avons pas seulement commencé.

— Oh !… — dit le prince en levant les yeux et frappant de ses deux poings sur la table, — quel supplice !…

— Ah çà ! vraiment, vieux, tu ne me reconnais pas ? un ancien… il faut que ça soit ma peinture qui te brouille…

Le prince mordit son mouchoir avec fureur.

— Au fait… tiens… je vas te rappeler quelque chose, mon vieux, qui va tout de suite te remettre sur la voie… C’était un soir, tu buvais bouteille au cabaret des Trois-Tonneaux… tu as renversé de l’eau-de-vie, tu as trempé ton doigt dedans, et sur la toile cirée de la table, tu as écrit un nom…

— Un nom, moi ?

— Eh oui !… le nom de Régina… quoi ?