Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/184

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plus distingués de Paris, je m’adressai au prince d’une voix ferme, calme et de la plus parfaite mesure.

— J’ai l’honneur de vous répéter, Monsieur — lui dis-je — que l’approche de ces gens-là est menaçante… Nous ne sommes ici que deux hommes de bonne compagnie,… nous risquons d’être écharpés.

La stupeur du prince, en m’entendant m’exprimer de la sorte, fut plus saisissante encore qu’elle ne l’avait été jusqu’alors ; sa colère, sa honte s’élevèrent, pour ainsi dire, en raison même de la position sociale qu’il me supposa ; mais aussi ses violents ressentiments se manifestèrent autrement. Il se sentit sans doute plus à l’aise en croyant avoir affaire à un homme du monde ; aussi, lorsque son émotion lui permit de parler, il me dit d’une voix qu’il tâchait de rendre calme :

— Je ne vous quitterai pas, Monsieur, que je ne sache qui vous êtes… Je comprends tout maintenant, il n’y a pas eu un mot de votre conversation qui n’ait été une insolente épigramme, une allusion outrageante ! Cela demande une réparation terrible. Monsieur… et je l’aurai… Je ne peux pas arracher le masque peint sur votre figure, mais de ce moment je m’attache à vous, et…

Puis, s’interrompant, le prince ajouta avec une dignité parfaite :

— Mais non… non, je n’aurai besoin de descendre à aucune extrémité pénible pour vous et pour moi, Monsieur. Vous êtes un homme de bonne compagnie… m’avez-vous dit… Si cela est… vous n’hésiterez pas à vous nommer, après ce qui vient de se passer entre nous…