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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/186

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vaient alors fort éloignés ; d’ailleurs ainsi que cela arrive toujours dans des lieux pareils, la majorité de ceux qui les hantent, fort curieuse de rixes et de scandales, oppose aux gens de police une puissante force d’inertie, en se formant en masse compacte long-temps impénétrable ; aussi les représentants de la force publique arrivent-ils presque toujours trop tard pour empêcher des collisions souvent sanglantes.

Un nouvel incident sur lequel je n’avais pas compté, vint augmenter le désordre et porter à son comble l’humiliation du prince…

Nous venions de nous mettre prudemment en défense en haut de l’escalier, pouvant à-peu-près compter sur la neutralité des buveurs de la galerie, gens moins tapageurs que les autres ; ils m’avaient vu briser un tabouret et partager ses débris entre moi et mon compagnon, ils commençaient donc à monter sur les tables pour juger impartialement des coups.

La tempête éclata par une bordée d’injures, qui à ma grande surprise s’adressaient à mon maître, reconnu non pour être le prince de Montbar, mais pour être un gant-jaune, un bien-mis pour parler le langage du lieu. Un Titi, garçon de vingt ans, d’une figure ignoble, placé aux premiers rangs de la foule, criait d’une voix enrouée en désignant le prince :

— Ohé ! les autres, voyez donc ce Pierrot manqué, qui vient agoniser et battre nos femmes ; c’est un malin, un gant-jaune ! je le reconnais…

— Lui ? ce crapaud-là !

— Faut le crever…

— T’en es sûr ? Titi,… c’est un gant-jaune ?