Aller au contenu

Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/187

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Eh ! oui, je l’ai vu vingt fois à cheval ou en voiture aux Champs-Élysées, où je ramasse des bouts de cigare.

— Quoi qui y vient faire ici ? ce bien-mis-là.

— Est-ce que nous allons dans leurs bastringues à eux ?

— Ohé ! ce bien-mis ! il vient faire sa tête !

— Parce qu’il a du linge en dessous.

— Ce Monsieur ! il vient s’amuser à voir chahuter la canaille…

— Est-ce que nous sommes tes amusements, eh ! dis donc, filou ?

— Eh ! dis donc, mauvais muffle ?

À ces sales injures, le visage du prince devint pourpre ; ses yeux étincelèrent de rage ; il allait se précipiter tête baissée sur cette foule ; je devinai son mouvement, et le saisissant par le bras :

— Vous êtes perdu si vous quittez le haut de l’escalier… ne bougez pas, regardez-les bien en face… et pas un mot… le sang-froid et le silence imposent toujours…

Le prince suivit mon avis et, en effet, pendant un instant, les vociférations diminuèrent de violence, les assaillants demeurèrent indécis, car notre position, militairement parlant, était excellente ; nous tenions le haut d’un escalier où deux hommes pouvaient à peine monter de front ; nous étions armés de bons bâtons, et nous paraissions à la foule calmes, résolus, prêts à tout.