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classique, méprisant la toque de percaline blanche des novateurs, des romantiques, — disait-il.

— Vous excuserez donc la tenue d’un soldat qui sort du feu… — ajouta-t-il.

— Voilà votre meilleure excuse, Monsieur le chef, — dit gracieusement Astarté, en montrant les petits gâteaux élégamment montés sur les assiettes.

— Je crois, en effet, que les dames la goûteront, mon excuse, — riposta le cuisinier ; — je vous recommande… vanité à part… ces bergères à la crème, piquées aux fraises ; c’est un entremets de primeur. Le grand Carême, sous les ordres duquel j’avais l’honneur de servir au congrès de Vienne, les avait inaugurées sur la table de S. E. M. l’ambassadeur de France… la veille de ce fatal dîner…

— Voyons, chef, en faveur de M. Martin, qui ne connaît pas l’histoire, — dit Juliette en riant, — nous l’écouterons encore une fois.

— Quelle histoire ? — dit Leporello.

— Ça fait deux qui ne la connaissent pas, — reprit Astarté en riant ; — allez, Monsieur le chef, allez de confiance.

— J’ai le plus grand désir pour ma part d’entendre ce récit, — lui dis-je.

— Si je reviens si souvent sur cette histoire, — reprit le cuisinier d’un ton pénétré, — c’est pour protester toujours, protester sans cesse contre une lâcheté, une trahison dont je maintiens un cuisinier français absolument incapable.

— Diable, c’est grave, — dit Leporello.

— Il y allait de notre honneur, Monsieur ! — s’écria