Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/206

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passion, Monsieur, pouvait avoir… aura peut-être pour vous les conséquences les plus dignes, les plus utiles…

— Les plus dignes ? les plus utiles ? Expliquez-vous, de grâce…

— Voyons, Monsieur, au lieu d’aller, par un raffinement d’homme blasé, porter dans un bouge vos souvenirs de grand seigneur, et dans votre hôtel vos souvenirs de taverne… cela pour le stérile plaisir du contraste… pourquoi n’avez-vous pas affronté ces lieux infâmes dans un but honorable ?

— Et dans lequel, Monsieur ?

— Dans celui d’étudier par vous-même ces plaies hideuses nées forcément de l’ignorance et de la misère, ces plaies, qu’il vous appartenait, à vous riche et heureux du monde, de connaître, afin d’employer à les guérir les forces immenses dont vous disposez !!

— C’est vrai, — murmura le prince. — Cette idée est grande…

— Oh ! alors, chacune de vos excursions dans ces repaires, devenait un acte de mâle vertu, de haute moralité : arracher à la pauvreté, au vice, à la débauche, au crime, quelques-unes des malheureuses créatures déshéritées que vous rencontriez dans ces repaires ; c’était faire un usage de votre intelligence et de votre fortune… Vous aimez les contrastes, Monsieur, votre passion eût été satisfaite. Seulement, au lieu de la cacher avec honte, vous l’auriez cachée avec orgueil, comme vous cachez vos actions généreuses.

— Monsieur, — reprit le prince d’une voix douce et pénétrée, — vous m’avez dit que vous étiez mon ami.