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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/205

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puis enfin un ami… dites-vous ?… Continuez, Monsieur ; ce qui s’est passé, ce qui se passe entre nous est si en dehors du cours ordinaire de la vie, que je me résigne à tout entendre… à tout supporter… Juge, ami, ennemi… qui que vous soyez, Monsieur, je vous écouterai jusqu’au bout, peut-être le jour rompra-t-il l’espèce de charme sous lequel je me débats en vain pendant cette nuit maudite, alors Monsieur… nous retomberons dans la vie réelle… Et vous aurez de grands comptes à me rendre !! mais jusque-là, je m’abandonne aveuglément à tous les hasards de cette rencontre inouïe… Ah ! c’est une étrange aventure de bal masqué que la nôtre, Monsieur !  !

— Dites une rencontre heureuse, Monsieur, oui, elle le sera pour vous, si vous ne résistez pas à l’instinct qui vous porte à m’écouter, à me croire, car, de ce moment, votre destinée peut changer : devenir aussi belle, aussi élevée, qu’elle a été, jusqu’ici, stérile, ennuyée, malheureuse… Ce passé même… si dégradant, dont vous rougissez à cette heure, aura son influence utile…

— Que voulez-vous dire ?

— Écoutez, Monsieur, je comprends cette passion des contrastes, éclose sous l’influence de dangereux enseignements, développée au sein d’une vie oisive… vous dites vrai, cette passion, on doit l’admettre comme on admet celle du jeu ; mais aussi, on doit la blâmer encore plus sévèrement… que la passion du jeu.

— Plus sévèrement ? Pourquoi ?

— Un joueur ne saurait être qu’un joueur. Que peut-il demander au jeu ? Les détestables émotions du gain ou de la perte. Rien de plus… Tandis que votre