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— Il est incroyable qu’à cette heure vous soyez encore en tablier dans le salon de Mme de Montbar.

— Prince… c’est que… Madame…

— Il suffit,… pas de raisons, allez vous habiller convenablement, me dit le prince avec hauteur en m’interrompant. Puis il ajouta :

— Madame de Montbar est chez elle ?

— Oui, prince…

Et il entra précipitamment dans le premier salon dont il a fermé la porte.

J’ai eu tort de m’étonner de ce que le prince, au moment d’avoir avec sa femme un entretien de la dernière importance, eût pensé à remarquer l’inconvenance de mon costume, car, je puis le dire, presque aussi intéressé que lui dans l’entretien qu’il allait avoir avec la princesse, je n’ai pu résister au singulier plaisir de m’appesantir sur cette idée : — Quel étonnement pour le prince, — ai-je pensé, — s’il savait que ce pauvre valet, auquel il vient de parler avec une si dédaigneuse dureté, est ce même homme à qui ce matin, à trois heures, il demandait presque comme une grâce de lui serrer la main, et auquel il exprimait si amèrement son regret de ne pouvoir nouer avec lui une inaltérable amitié…

Je l’avoue, la joie puérile que m’a causé cette singularité m’a distrait un moment des graves intérêts auxquels j’avais tant de part ; mais bientôt, ramené à des pensées plus sérieuses, j’ai écouté moralement, si cela peut se dire, ce qui se passait dans le parloir entre le prince et sa femme, car matériellement je ne pouvais rien entendre, toute tentative à ce sujet eût été impru-