Aller au contenu

Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et il marcha devant moi d’un pas si alerte, si assuré, que j’avais peine à le suivre. Il descendit le perron avec une légèreté juvénile ; Melchior arriva tout essoufflé, le manteau sur le bras et le chapeau à la main, au moment où le baron, peu soucieux d’être nu-tête et vêtu d’une redingote de flanelle grise, allait sortir dans la rue. À peine il donna à Melchior le temps de lui jeter le manteau sur les épaules. J’ouvris la portière, il s’élança dans la voiture, et me dit :

— Vite… vite… à l’hôtel.

M. de Noirlieu avait compté sans l’étiquette.

M. le premier cocher était resté sur son siège dans une immobilité automatique, ses guides dans sa main gauche, le manche de son fouet appuyé sur son genou droit.

— Vite à l’hôtel, — lui dis-je.

Mais M. Johnson, maintenant toujours ses chevaux en place, et regardant toujours devant lui, me répondit, impassible, avec son flegme britannique, sans même tourner la tête de mon côté :

— Bas les persiennes…

— Mais, Monsieur Johnson…

— Bas les persiennes… pour le gentleman, — me répondit-il, sans plus bouger qu’un homme de cire.

Je compris alors que M. de Noirlieu me remplaçant dans la berline, l’étiquette voulait que les persiennes, levées pour moi, fussent baissées pour un gentleman, comme disait M. Johnson ; aussi, à la cruelle impatience du baron, je rouvris la portière pour accomplir la forma-