Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/255

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toujours là… mon ange adoré… libres !! c’est cette vie d’amour… d’art, de poésie, de noble travail, d’actions généreuses de douce obscurité que nous avons tant rêvée… car tu sais… nous le disions : dans l’amour tout se trouve… depuis l’embrasement des sens, jusqu’aux plus suaves, aux plus nobles jouissances de l’âme… de l’esprit et du cœur… libres… mon ange, c’est la vie avec toi, à toi, pour toi… par toi… libres… c’est pouvoir à chaque instant du jour baiser tes mains, ton cou, tes yeux, tes cheveux…

— Oh ! tais-toi… tais-toi… tu me brûles… — balbutia Régina d’une voix expirante. — Tais-toi…

Et il me sembla que, mettant sa main suppliante sur les lèvres de Just, elle tâchait d’étouffer ainsi les paroles de son amant.

— Eh bien ! non, non… je ne te parlerai plus de cela… — reprit Just d’une voix aussi tremblante, aussi basse que celle de Régina, — non… je ne parlerai plus de cela… car moi aussi… cela me dévore… cela me tue… Eh bien !… quand nous serons libres… après ces voluptueux enivrements dont la pensée seule nous bouleverse… nous nous reposerons dans les doux épanchements de deux âmes pleines de fraîcheur et de sérénité… Oh ! viens… viens, Régina, viens… nous ne serons pas entourés de ces splendeurs qui souvent te pèsent… Mais nous serons riches de bonheur ! Oh ! mais riches… à rendre heureux tout un monde… Et si un jour tu as quelques ressouvenirs de ton opulence passée… tu diras un mot… mon travail, mon intelligence te créeront des trésors… mais purs ceux-là comme la source où je les aurai puisés…