Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/285

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fants ou d’amoureux à fermer en dedans la porte du jardin, et à rester ainsi seuls des journées entières dans ce pavillon.

» Les souvenirs qui se rattachent à ces jours, les plus beaux de ma vie… sont encore pour moi si présents, si vivants… que, dans le courant d’idées auxquelles je me laissais entraîner, il m’a semblé qu’ils devaient avoir sur ma femme la même influence… et qu’ainsi entourée de tout ce qui devait lui rappeler nos enivrements passés… cet aveu que j’espérais si ardemment, lui viendrait presque malgré elle… du cœur aux lèvres…

» Nous sommes entrés dans ce pavillon… Régina s’est assise sur un divan ; elle était vêtue de blanc… et ne paraissait plus que l’ombre d’elle-même. Elle était si pâle… si pâle… que dans la demi-obscurité qui commençait d’envahir le pavillon, son doux et beau visage ne se distinguait pas de la blancheur de ses vêtements.

» Notre conversation ayant langui peu-à-peu, nous étions, presque sans y songer, tombés tous deux dans une rêverie silencieuse depuis plus d’un quart-d’heure.

» Régina ne semblait plus s’apercevoir de ma présence… son regard fixe s’attachait sur la cime des grands arbres du jardin, au-dessus desquels brillaient déjà quelques étoiles ; son sourire me sembla d’une tristesse, d’une amertume profonde… elle se tenait immobile, à demi pliée sur elle-même, et tenait croisées, sur ses genoux, ses mains toujours charmantes, mais cruellement amaigries…

» À cette heure, mon ami, que mon esprit n’est plus