Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/291

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me pardonner d’avoir ainsi abusé d’un sentiment de gratitude auquel je n’avais aucun droit.

» Je n’ai pas en cela cru faillir à la promesse d’honneur que je vous ai faite, mon ami…

» Et d’ailleurs, si j’ai porté une légère atteinte à cette promesse, vous me serez indulgent ; je crois me montrer plus homme d’honneur en agissant ainsi, qu’en observant rigoureusement la lettre de mon engagement envers vous.

» Adieu !… et, malheureusement pour moi, à jamais !… adieu, mon ami, je ne sais quel avenir m’est réservé… j’ignore ce que je puis espérer du temps, ce morne consolateur… Mais à ce moment où je vous écris, je crois… je sens qu’il n’existe pas au monde un homme plus malheureux que moi….

» La seule pensée dont la douceur amère contraste avec le chaos de ressentiments sombres, déchirants, au milieu desquels je me débats, c’est que Régina a été admirablesublime jusqu’à la fin.

» Croyez-moi, mon ami, si je me sens impitoyable envers quelqu’un, ce n’est ni envers elle, ni envers Just, aussi digne, aussi généreux qu’elle… c’est envers moi, moi la seule cause de leurs tourments passés… de mes tourments à venir.

» Une dernière fois, adieu, et merci à vous… mon ami… Sans vos conseils, mon sort eût été mille fois plus misérable, car j’aurais haï, méprisé, poussé peut-être au désespoir deux personnes que j’estime, que j’honore, au contraire, au moment de m’éloigner d’elles, certain de les laisser heureuses et sans remords…