Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/305

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La nuit, calme dans la soirée, était devenue orageuse ; la tourmente mugissait au-dehors, les grands arbres du parc, violemment agités par le vent, rendaient un bruissement sourd, prolongé, comme celui de la mer ; on l’entendait de la chambre à coucher de M. Duriveau, située au rez-de-chaussée.

Profondément absorbé, le comte, le coude sur son bureau, la tête dans ses deux mains, poursuivait sa lecture et ses méditations ; telle était sa contention d’esprit, qu’il ne s’aperçut pas d’un léger bruit causé par le grincement de la serrure d’une porte qui donnait dans son cabinet de toilette où aboutissait, on l’a dit, l’escalier de la chambre de Martin.

Au moment où une nouvelle et violente rafale de vent ébranlait les volets extérieurs, la porte, dont le pêne avait légèrement glissé, s’ouvrit…

Mais elle resta entrebâillée.

C’est à peine si M. Duriveau fit attention au bruit de cette porte, qu’il crut entr’ouverte par la violence du vent, car, après avoir un instant tourné la tête de ce côté, le comte retomba dans ses réflexions ; son visage énergique trahissait la lutte des sentiments divers dont son âme était agitée ; mais, à ce moment, l’expression de ses traits semblait annoncer la prédominance des sentiments généreux… Par deux fois, il secoua tristement la tête, tandis qu’un sourire de commisération effleurait ses lèvres, ordinairement altières et dédaigneuses…

Alors la porte jusques-là seulement entrebâillée s’ouvrit toute grande, mais lentement, et sur cette baie noyée d’ombre se dessina la figure de Claude Gérard…