La tête nue du braconnier ruisselait d’eau ainsi que sa casaque de peau de bêtes ; à la fange noire dont son pantalon était couvert, on voyait qu’il venait de traverser des marais et des terrains tourbeux.
Voyant le comte occupé à lire, Claude Gérard par son geste et par sa physionomie, sembla dire :
— Je m’y attendais…j’arrive à temps…
Alors, il s’approcha de M. Duriveau sans être entendu de lui grâce à l’épaisseur des tapis, et lui posa sa large main sur l’épaule.
Le comte fit un bond sur sa chaise et se retourna brusquement ; mais à l’aspect du braconnier, il resta muet, pétrifié.
Avant qu’il ait pu faire un mouvement… Claude Gérard s’était rapidement emparé du manuscrit des Mémoires de Martin, et avait enfoui ce cahier dans l’une des vastes poches de sa casaque, puis s’adressant au comte, il lui dit d’une voix sévère :
— Martin avait redouté cet abus de confiance, Monsieur… je suis arrivé à temps…
— Vous ici !! — s’écria le comte en sortant enfin de sa stupeur.
Et, se levant brusquement, il courut à sa cheminée et tira violemment le cordon d’une sonnette.
— Cette sonnette ne donne que dans la chambre de Martin… Et il n’y est pas… vous le savez bien… — dit froidement Claude. — Nous sommes seuls ici… volets et portes fermés…
— Tu veux donc m’assassiner ! misérable ! — s’écria le comte en cherchant du regard quelque chose dont il pût se faire une arme.