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Le trajet de la métairie du Grand Genevrier au bourg le plus voisin était long et dangereux, il fallait traverser près de deux lieues de tourbières et de marais presque impraticables pour ceux qui ignoraient les quelques veines de terrain solide qui sillonnaient ce sol marécageux et mouvants.

Beaucadet et ses gendarmes étaient à cheval ; une fois la lune couchée, ils se trouvèrent dans l’obscurité ; la tempête soufflait avec violence, les cavaliers ne pouvaient s’avancer qu’avec une lenteur et une prudence extrême à travers ces marécages, où leurs chevaux enfonçaient parfois jusqu’au ventre.

Les deux prisonniers se trouvaient donc à peine surveillés ; ayant entendu Beaucadet conseiller à M. Duriveau une visite domiciliaire dans le réduit occupé par son valet de chambre, Martin frémit… ses Mémoires pouvaient ainsi tomber entre les mains du comte ; tout bas il fit part de son anxiété à Claude Gérard ; celui-ci avait les mains liées ; mais profitant de l’embarras où se trouvaient les gendarmes, et de l’hésitation de leur marche, embarras nul pour le braconnier depuis long-temps habitué à parcourir toutes les passes de ces marais, et qui, accoutumé d’errer la nuit, était devenu presque nyctalope, Claude Gérard répondit tout bas à Martin :

— Prends mon couteau dans ma poche, coupe mes liens à la première occasion, je réponds du reste.

Cette occasion ne se fit pas attendre ; Beaucadet venait de crier à l’aide en sentant son cheval pour ainsi dire disparaître sous lui au milieu d’une fondrière ; profitant de cet incident qui absorba l’attention des gendarmes,