Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/315

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— Ah çà ! ma chère, — lui dit Leporello en interrompant ses soins domestiques pour s’étendre nonchalamment dans un excellent fauteuil, tenant toujours son plumeau à la main. — Causons un peu, que je prenne langue… Arrivé avant-hier de Normandie à ton appel, entré ici hier à ta recommandation, occupé une partie de la nuit à annoncer dans ce salon plus de ducs, de princes, d’ambassadeurs, de marquis, de comtes… et autres gens du plus grand monde, que je n’en ai annoncé dans les meilleures maisons où j’ai servi, je n’ai pas encore eu le temps de causer un peu à fond avec toi.

— C’est vrai, mon pauvre Leporello, — dit Mlle Astarté, en s’étendant à son tour paresseusement sur une causeuse, — les dernières voitures sont parties à trois heures du matin, Madame m’a gardée jusqu’à cinq heures, et je me lève.

— Je suis parbleu bien sûr, — reprit Leporello, — que tu ne m’aurais pas écrit de quitter la maison de la marquise de Mainval pour me faire perdre au change. D’abord ici les gages sont presque doublés, et tu m’as présenté la bourgeoise comme généreuse et peu regardante.

— C’est-à-dire que ça en devient gênant… car, avec des personnes si confiantes… malgré soi, on a scrupule… tandis qu’avec les autres, ma foi !… c’est de bonne guerre !…

— Une actrice généreuse… — dit Leporello, — ce n’est pas étonnant ; elle dépense l’argent comme elle le gagne… et il paraît que Madame… en gagne gros…

— Plus de cent mille francs par an !…