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— Mais enfin, quand elle chante au théâtre… qu’on lui jette des fleurs, des couronnes et qu’on l’appelle à grands cris !

— Écoute, Leporello, tout le monde dit que les cinq dernières fois qu’elle a joué, jamais elle n’avait été ni plus applaudie ni plus belle… eh bien ! au moment de jouer, elle avait l’air encore un peu animée… mais, après son triomphe, en revenant ici, elle serait revenue d’un enterrement qu’elle n’aurait pas été plus sombre et plus morne.

— En vérité, c’est effrayant.

— La dernière fois, l’on a dételé ses chevaux. Tout l’orchestre et je ne sais combien de voitures remplies d’hommes et de femmes du plus grand monde l’ont accompagnée jusqu’ici…

— Elle n’a pas dû être triste au moins, cette fois-là ?

— Il est vrai, c’est la seule fois où je l’ai vue rentrer l’air joyeux.

— À la bonne heure, au moins !

Enfin, — m’a-t-elle dit, — c’est pour la dernière fois

— Comment ! la dernière fois, elle ne veut plus jouer ?

— Il paraît que non…

— Cette année ?

— Non… plus jamais…

— Mais les applaudissements, la gloire ?

— Il faut qu’elle en ait pardessus les yeux ; ou plutôt, je crois qu’elle a un ver rongeur dans le cœur.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! que tout ce que tu me dis là m’étonne !