Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/325

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de petite coquille de porcelaine… c’est comme une résine… elle y met le feu et elle aspire la vapeur au moyen d’un long tuyau entouré de fils de soie et d’or.

— Ah çà !… et quel diable de plaisir trouve-t-elle à cela ?

— Ça l’endort…

— Ça l’endort ! et pourquoi cherche-t-elle à s’endormir ?

— Pour se désennuyer.

— Elle s’ennuie ?

— Comme une morte, mon pauvre Leporello, comme une morte !

— Elle… riche, belle, fêtée… entourée… elle s’ennuie !

— À mourir, te dis-je, et quand elle a fumé sa résine, elle reste six ou sept heures étendue sur son canapé les yeux à demi-ouverts, ne bougeant pas plus qu’une statue.

— Qu’est-ce que tu me dis là ? c’est à n’y pas croire !…

— Depuis six mois surtout son ennui empire ; autrefois elle chantait quelquefois des heures entières, et toute seule ; ça paraissait l’amuser, quoique souvent elle s’interrompît pour fondre en larmes… un air surtout… une fois qu’elle se mettait à chanter cet air-là, c’était fini, elle pleurait comme une vraie Madeleine… Mais voilà plus de trois mois qu’elle n’a ouvert son piano, et au lieu de profiter d’un congé de quatre mois qu’elle a, afin d’aller gagner cinquante ou soixante mille francs qu’on lui offre en Angleterre… elle aime mieux rester ici… fumer et dormir.