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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/338

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— Oh ! tu es belle… Je t’aime !… Enfin… tu es à moi !

Il avait à peine prononcé ces mots que, agile et vive comme une couleuvre, Basquine échappait à l’étreinte passionnée du jeune homme, en disant, comme si elle se fût reproché d’avoir failli céder à un entraînement involontaire :

— Non… non… je suis folle !…

Puis, se jetant sur un fauteuil, au coin de sa cheminée, elle cacha sa figure entre ses mains.

Scipion courut à elle en s’écriant :

— Oh ! tu veux en vain t’en défendre… tu m’aimes… tu es à moi et…

Scipion n’acheva pas. Basquine, relevant la tête, partit d’un éclat de rire sardonique ; ses traits avaient subitement repris leur expression ironique et dédaigneuse.

— Ah… c’est affreux ! toujours la même !… — s’écria le vicomte avec dépit et amertume, quoiqu’il crût à la sincérité de l’amoureuse émotion que Basquine avait paru ressentir, — tout-à-l’heure elle écoutait la voix de son cœur… et la voilà qui, pour se jouer de moi, reprend son masque insolent et moqueur… il faut que, jusque dans son amour, elle soit comédienne !

— Et vous, n’êtes-vous pas le plus grand roué, c’est-à-dire le plus admirable comédien que je connaisse ? Et qui me dit que votre père viendra ? qui me dit que vous ne voulez pas, à l’aide d’un mensonge, abuser, comme vous l’avez fait tant d’autres fois, de la candeur d’une pauvre fille ? — et Basquine baissa les yeux d’un air hypocrite.