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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/359

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puisqu’il persévère dans le mal… et dans sa ridicule monomanie de corruption.

— Monsieur, — s’écria Basquine, en affectant de craindre que le comte n’exaspérât Scipion, — prenez garde… ces paroles sont cruelles…

— Laissez donc, ma chère — reprit Scipion avec un insolent dédain — je trouve la scène drôle,… j’ai ma pensée… et mon projet ; seulement, cette drôlerie a un côté de lâche hypocrisie qui pose l’autorité paternelle de Monsieur sous une face nouvelle… Nous avons eu le père roué… le père féroce… le père sensible ;… nous voici au père tartufe… Car, ce matin encore, Monsieur faisait avec moi le bon et gai compagnon, pendant qu’il avait en poche l’ordre de me faire enfermer… Hier encore, il me disait : Allons, mauvais sujet, puisque tu le veux absolument, je verrai Basquine ; mais pas un mot de tout ceci à Mme Wilson…. D’ailleurs, — reprit Scipion, avec un redoublement de sarcasme, — cela ne m’étonne guères, le proverbe est vrai : Bon sang ne peut mentir. Le fils du père Du Riz-de-Veau, l’usurier enrichi, révèle toute la pureté de sa race ; il agit comme devait agir son estimable père, lorsqu’il lui fallait attirer dans quelque piège le créancier récalcitrant dont il avait l’arrestation en poche. Allons, avouez, Monsieur, que c’est rapetisser Judas.

— Mauvaise comparaison, — dit le comte avec un calme glacial, — quand on veut enfermer un fou… on se garde bien de l’avertir.

— Ah pardieu ! l’excuse est bonne, — s’écria Scipion avec un éclat de rire sardonique, — voici cette auguste paternité qui s’affuble en argousin de Bicêtre !