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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/360

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Le comte haussa les épaules de pitié et dit à Scipion :

— J’excuse vos insolences, je dois les excuser… la présence de cette femme exaspère votre audace… Je me suis attendu à cela… c’était un des résultats prévus de la leçon que je voulais vous donner… Un dernier mot : si je n’avais pas le moyen de vous arracher aujourd’hui, tout-à-l’heure, à l’influence de cette créature, je vous répéterais qu’elle a fait serment de se venger sur vous comme elle s’est déjà vengée sur d’autres de toutes les hontes, de tous les outrages mérités dont elle a été abreuvée depuis son ignoble enfance… car à l’âge de dix ou douze ans la prostitution, le vagabondage, le vol lui étaient déjà familiers… à cette illustre… dont on dételle aujourd’hui les chevaux pour la traîner en triomphe !

— Ah ! Monsieur… grâce pour l’enfance… du moins ! — fit Basquine en cachant son visage dans ses mains, comme si elle eût été écrasée par ce reproche.

— Assez… Monsieur… assez !… — s’écria Scipion.

— Allons donc… pauvre niais, — lui dit son père, — vous croyez peut-être que je l’ai blessée. Calmez-vous, l’habitude précoce de la dépravation et de la honte a bronzé son cœur ; je lui dis cela devant vous pour bien lui prouver que je brave sa haine… comme on brave la vipère que l’on tient sous son talon… Oui, maintenant que, de gré ou de force, je vous tiens, je lui défends… je la défie de me nuire et de vous nuire. En voulez-vous une dernière preuve ? je vous laisse avec elle… car je suppose que vous ne voudrez pas sortir d’ici avec moi…