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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/408

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Bamboche et moi nous avons été viciés, corrompus, dès l’enfance, et plus tard… abandonnés à tous les hasards du vice et de la misère !

— Et pourtant, — reprit Martin avec amertume, — vous deux aussi… vous auriez pu être sauvés… j’en atteste… les jours que nous avons passés… dans notre île… vous en souvenez-vous encore ?… Qui aurait dit, mon Dieu !… lorsque par ces belles nuits d’été, nous écoutions tous deux la voix inspirée de Basquine, en appelant de tous nos vœux une vie honnête, laborieuse… qu’un jour… tous trois… nous nous retrouverions… hélas ! au sinistre rendez-vous d’aujourd’hui !

Et Martin ne put retenir ses larmes.

À ce moment, Bamboche, dont la pâleur avait paru redoubler depuis quelques instants, s’interrompit. Sa figure farouche se contracta de nouveau ; il éprouvait une pénible oppression.

— Qu’as-tu ?… — lui dit vivement Martin.

— Rien… — reprit le brigand en échangeant de nouveau un singulier regard avec Basquine. — Je suis de fer… tu sais, — ajouta-t-il en s’adressant à Martin et lui tendant la main ; — mais toi seul… et Basquine, vous mordez sur ce fer… et vous voir là… tous deux aujourd’hui… quand demain… enfin ça remue même le bronze… mais ça passe… c’est passé.

— Ta main est glacée… — s’écria Martin en retenant entre les siennes la main que le bandit lui avait donnée.

— À mains fraîches, chaudes amours… tu sais le proverbe, — dit Bamboche en riant, et il retira brusquement sa main de celle de Martin.