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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/413

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— Mais enfin… la gloire ? — s’écria Martin, qui ne pouvait se résigner à admettre un incurable désenchantement au milieu d’une existence en apparence si heureuse, si brillante, — ces applaudissements de tout un peuple enivré.

Basquine haussa les épaules.

— Chez la Levrasse… dans mes ignobles scènes avec le pître, à l’âge de huit ans, n’ai-je pas été applaudie avec frénésie, n’ai-je pas aussi fait fureur ? ne s’est-on pas aussi battu pour moi à la porte de nos tréteaux ? Et encore… va, crois-moi, les bravos des mains gantées de blanc m’ont semblé plus tard moins retentissants que les bravos des mains calleuses qui applaudissaient mon enfance.

— Mais la conscience d’être un artiste sublime ! — s’écria Martin. — Sur ce légitime orgueil, tu n’étais pas du moins blasée.

Basquine éclata de rire.

— Oui… je me suis dit cela plusieurs fois ; il l’a bien fallu… En vérité, je suis une artiste sublime… évidemment j’ai un talent immense… Eh bien ! après ?…

Martin resta sans réponse devant ces mots ! — Eh bien ! après ?

Mots d’autant plus effrayants, que l’expression de dédain, de lassitude, avec laquelle Basquine les avait prononcés, prouvait qu’elle parlait sincèrement.

— Soit ! — continua-t-elle, — j’ai ressenti une fois, dix fois, si tu veux, ce que tu appelles un juste et noble orgueil à propos de mon génie… et puis, après ? n’est-ce pas toujours la même chose… la même glorification