Aller au contenu

Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/416

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’avons été… Oh ! alors, je tirais de la race que je poursuivais, des vengeances féroces… l’avilissement, la ruine… le suicide… le meurtre du fils par le père ;… mais bientôt la lassitude… le dégoût… m’accablaient de nouveau. Alors, pour ne plus penser, je me livrais à l’engourdissement de l’opium.

— Oh infortunée ! infortunée ! — murmura Martin.

— Une dernière espérance m’avait soutenue, la vengeance que je devais tirer de Scipion et de son père, vengeance terrible… car c’était du même coup venger Bamboche… toi et moi… Cette œuvre sanglante, je l’ai accomplie… sans pitié… sans remords, et puis je suis retombée dans mon accablement, et plus que jamais… j’ai dit… je dis… gloire, amour, richesse, charité, vengeance… et pardonne ce blasphème, ô mon frère… amitiévanité… tout est vanité… je suis devenue dévote, tu le vois… sauf la religion, et… je…

Basquine ne put continuer : son énergie fébrile, soutenue par un incroyable courage… faiblit tout-à-coup ; ses yeux se troublèrent ; ses lèvres, déjà froides, devinrent violettes ; elle trembla convulsivement, ses dents s’entrechoquèrent.

— Mon Dieu, Basquine… qu’est-ce que tu as ? — s’écria Martin… en courant à elle, et l’aidant à s’asseoir sur le lit de la cellule ; — puis, de plus en plus effrayé, il ajouta : — Bamboche, mais vois donc… Basquine.

— Je la vois bien, — dit le bandit en abaissant ses mains qui jusqu’alors avaient à demi caché son visage, et il montra ainsi à Martin des traits déjà défigurés… par les approches de la mort.