Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/420

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rares habitants des métairies, ce pays, disons-nous, avait absolument changé non seulement d’aspect, mais, si cela peut se dire, de nature…

Plus de ces brumes humides, pestilentielles, qui couvraient, dans une immense étendue, ces landes à demi submergées sous les eaux croupissantes, plus de sol noirâtre, spongieux, couvert çà et là de chétives bruyères, dans lequel bêtes et gens enfonçaient jusqu’aux genoux ; plus de ces plaines sans fin, nues, arides, désolées, à travers lesquelles erraient çà et là quelques maigres bestiaux cherchant une pâture insuffisante au milieu des genêts et des ajoncs, pendant que de pauvres petits bergers, en haillons et tremblant la fièvre, traînaient leurs pas languissants à la suite de leurs chétifs troupeaux ; plus de ces marais à l’onde épaisse, immobile et couleur de plomb, où se reflétaient parfois les murailles crevassées de quelque misérable métairie, bâtie de boue, et couverte d’une toiture de chaume à demi effondrée…

Tout enfin, dans ce pays, en peu de temps, avait changé, tout… jusqu’à l’air que l’on y respirait… air, alors aussi salubre, aussi pur, aussi léger qu’il était autrefois pesant et méphitique.

Bientôt le voyageur aurait eu le secret de cette incroyable métamorphose, en remarquant de larges canaux maçonnés en brique, coupés çà et là par des ponts à la fois élégants et solides, sous lesquels coulaient incessamment des eaux abondantes, alimentées par des conduits souterrains, dont la pente, habilement calculée, amenait constamment dans ces canaux, artères principales, les eaux stagnantes qui, faute d’écoulement, submergeant,