Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/439

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Ils vivent enfin misérables, faibles, ignorants, trop souvent ennemis, par le fait de l’isolement ; je veux qu’ils deviennent heureux, puissants, éclairés, affectueux ; qu’ils deviennent frères enfin par le fait de l’association, dont je leur donnerai l’exemple. — Cet homme a voulu cela, — ajouta Claude Gérard, — et ces volontés se sont réalisées…

— Rien de plus généreux que ce raisonnement, s’écria Just. — Je ne m’étonne pas de la fécondité de pareils principes, mais de leur application si prompte et sur une si large échelle.

— C’est qu’alors qu’il s’est agi de l’application, reprit Claude Gérard, — cet homme a senti que l’heure du sacrifice et de l’abnégation était venue.

— Comment cela ? Monsieur, — dit Régina.

— Cet homme a compris que dans l’état de misère et de routinière ignorance où étaient plongés ceux qu’il voulait régénérer, il fallait, pour les amener à cette régénération morale et matérielle, offrir à leur intérêt des avantages réels, frapper leur esprit par un généreux exemple… il a donc assemblé ses métayers ainsi que les habitants de ce pauvre village, et leur a dit : « Depuis que je vis au milieu de vous, j’aurais dû accomplir les devoirs rigoureux auxquels ceux qui possèdent tout, sont obligés envers ceux qui ne possèdent rien…… J’ai à expier… le passé… l’avenir m’absoudra, je l’espère ; voici ce que je vous propose : — le territoire de cette commune est de six mille arpents à-peu-près, qui m’appartiennent, sauf trois cents arpents morcelés entre vous ; associons-nous. Que vos terres et les miennes ne fassent plus qu’une propriété qui soit