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Le père de Régina tressaillit. Son visage me parut trahir le pénible effort d’une lutte intérieure ; puis, revenant sur ses pas, tandis que le mulâtre me lançait des regards courroucés :

— Comment se porte ma fille ? — me dit le vieillard avec une émotion qu’il voulait en vain dissimuler.

— Mme la princesse est toujours souffrante, Monsieur le baron.

— Souffrante ! Régina ? — s’écria le vieillard.

Et regardant Melchior d’un air surpris et défiant, il ajouta :

— On ne m’avait pas dit cela !

Puis, s’adressant à moi de nouveau, il me demanda avec empressement :

— Depuis quand ma fille est-elle malade ? Qu’a-t-elle ? Est-elle alitée ? Répondez… répondez donc.

Melchior me coupa la parole, et dit à son maître avec un sourire sardonique :

— Je peux rassurer Monsieur le baron, hier encore Mme la princesse est allée au bal ; son indisposition n’est donc, heureusement, que fort légère.

— Madame de Montbar est allée hier au bal ? — me demanda le vieillard.

— Oui, Monsieur le baron, — lui dis-je, — mais, au retour, Mme la princesse semblait bien abattue… bien fatiguée.

— Fatiguée ?… d’avoir dansé ?… — reprit le baron, et une ironie amère remplaça sur ses traits l’expression d’intérêt dont ils avaient été empreints en parlant de sa fille. Le mulâtre offrit son bras à son maître d’un