Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de son mari à force de froideur et d’indifférence affectées.

Enfin, poussée à bout, elle a quitté la salle à manger, prétextant une migraine, le prince est resté à table ; j’avais été pour tant de raisons si préoccupé de la pénible position de Régina, que M. de Montbar m’ayant demandé une cuiller, j’ai oublié de la lui présenter, ainsi qu’il convenait, sur une assiette, j’ai commis l’énormité de lui offrir cette cuiller de la main à la main.

Au lieu de la prendre, le prince, me toisant d’un air sardonique, m’a dit :

— C’est chez M. le docteur Clément que vous avez appris à servir ?

Et comme je le regardais tout abasourdi, il a ajouté :

— Une cuiller s’offre ainsi sans façon chez les médecins… probablement ?

Le valet de chambre du prince, le pauvre vieux Louis, est venu à mon secours ; il s’est approché de moi et m’a dit bien bas, d’un ton lamentable :

— Sur une assiette donc… sur une assiette !  !

— Pardon, prince… — ai-je dit à mon maître en voulant réparer mon oubli ; mais il s’est tourné vers son valet de chambre et lui a dit :

— Louis, donne-moi une cuiller.

Ce qu’a fait le bon vieux serviteur, en me regardant avec contrition…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je ne puis d’ailleurs en douter plus long-temps ; je suis désagréable à M. de Montbar ; le fait de ce soir, très-insignifiant en apparence, rapproché d’autres puérilités non moins significatives, me donne cette conviction.