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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/87

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sur sa main… oh ! avec quel bonheur, avec quelle idolâtrie, et souvent, hélas ! avec quelle ivresse je porte mes mains sur ces reliques sacrées de mon culte amoureux !

Que de fois je me dis :

— L’amant le plus épris n’envierait-il pas mon sort ? Vivre dans le sanctuaire de la femme adorée ; être où elle est, respirer l’air qu’elle respire, voir ce qu’elle voit, toucher ce qu’elle touche, ramasser son mouchoir, son gant, son bouquet ; lui donner le livre qu’elle désire, lui verser l’eau pure où elle trempe ses lèvres, lui offrir la coupe de cristal où elle plonge ses doigts roses, la protéger contre un rayon de soleil, en baissant un store ; raviver le feu où elle se chauffe, mettre un coussin sous ses petits pieds, un manteau de satin sur ses blanches épaules ; enfin, le regard attentif, prévenir ses moindres désirs, s’ingénier à lui épargner même la peine de demander ; obéir à ses ordres, la servir, en un mot. N’est-ce pas un bonheur idéal ? L’amant le plus fier, le plus orgueilleux, fût-il prince, fût-il roi… ne rend-il pas avec amour, avec délices, à sa maîtresse, tous ces services que je rends à la mienne ? Ne disons-nous pas tous deux : ma maîtresse ? Je suis valet, homme à gages… qu’importe !… Je sers ma maîtresse en amoureux ; aucune puissance humaine ne peut m’enlever ce bonheur de tous les instants.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Oui, le bonheur est grand ; mais il est aussi de terribles conséquences de cette intimité domestique…

J’en ai fait aujourd’hui la fatale épreuve.