Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/110

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cette élégance naturelle, de cette candeur timide, de ce charme à la fois attrayant et chaste qui caractérisent la femme, et que l’éducation développe et féconde ; car chacun de ces dons précieux semble devoir contenir le germe ou l’obligation d’une grâce ou d’une vertu.

Loin de là, cette pauvre fille de ferme, abandonnée, sans éducation, sans enseignement, sans soins, comme l’avait été sa mère et comme l’était la foule innombrable de ses pareilles, ne se trouvait-elle pas plus à plaindre encore qu’un homme, dans une condition semblable ? Déshéritée de tout bonheur, de tout plaisir sur la terre, elle avait, de plus, à force de labeurs, de fatigues, de misère, perdu jusqu’à la physionomie, presque jusqu’à la forme que le créateur lui avait donnée,… et si l’aspect de la dégradation physique chez l’homme attriste l’âme, la vue d’une femme, telle que celle dont nous avons esquissé le portrait, ne cause-t-elle pas un ressentiment plus chagrin, plus amer encore ?

Bientôt rentrèrent aussi à la ferme deux valets de charrue ; chacun descendit du cheval sur lequel il était assis. Les harnais sordides furent insoucieusement jetés dans un coin de la cour çà et là sur le fumier, ou dans l’eau croupissante ; les chevaux, boueux jusqu’au poitrail, furent attachés en cet état à l’autre extrémité de la vacherie.

Pendant ce temps le petit vacher prit une immense terrine de grès, qu’il essuya grossièrement avec une poignée de foin, et se dirigea vers la porte du logement du métayer. L’enfant, ayant monté quelques marches disjointes, posa sa terrine sur le palier, en disant d’une voix dolente :