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— Toutes les bêtes sont rentrées ; voilà notre terrine…

Et, assis sur la pierre, épuisé de fatigue, frissonnant sous l’impression de la fièvre et du froid, il attendit, son front appuyé entre ses deux mains.

Au bout de quelques instants, à travers la lueur rougeâtre qui tremblait à la porte de la masure, parut un bras décharné armé d’une grande cuiller de bois, et bientôt l’immense terrine fut à-peu-près remplie d’un mélange alimentaire qui mérite une mention particulière.

La base de cette chose sans nom se composait de lait aigri et caillé, mêlé de farine de sarrasin et de quelques morceaux de pain de seigle, pain noir, compact et visqueux. Du mortier, quelque peu détrempé d’eau, ne produit pas, en tombant dans l’augette du maçon, un bruit, si cela se peut dire, plus pesant, plus mat, que n’en produisit cette nauséabonde nourriture, servie froide, bien entendu ; le fermier et sa famille n’avaient pas d’ailleurs une alimentation plus saine et moins répugnante.

La terrine remplie, le petit vacher la souleva péniblement, et, la posant sur la tête, regagna l’étable.

Lorsqu’il y arriva, la fille de ferme versait dans quelques vases de grès le peu de lait chaud et écumeux qu’elle avait pu extraire du pis des vaches, afin de préparer la confection du beurre que l’on vendait (l’on ne consommait à la ferme que le résidu caillé, aigri par la pressure).

En voyant réserver pour la vente ce lait chaud, salubre et nourrissant, ces gens, résignés à la détestable nourriture qui les attendait en suite d’une journée de grandes fatigues ; ces gens, façonnés, rompus à la mi-