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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/112

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sère, n’éprouvaient aucun sentiment d’envie. Non, il en était d’eux ainsi que de ces travailleurs couverts de haillons qui, au fond de leur mansarde, incessamment courbés sur leur métier de fer, sont accoutumés à ne pas envier ces fraîches et splendides étoffes de soie et d’or, dont ils tissent sans relâche la trame fleurie, soyeuse, éblouissante, comme les fêtes qu’elle doit orner.

Lorsque le petit vacher, portant sur sa tête la terrine contenant la pitance commune, arriva près de l’étable, il y trouva ses compagnons, assis sur le fumier et rapprochés de la porte, afin de profiter des dernières lueurs du jour qui devaient seules éclairer leur repas ; une lanterne, autre que celle qui éclairait la demeure du métayer, aurait été forcément considérée comme une superfluité coûteuse.

À ce moment, des gémissements douloureux sortant du fond de l’étable se firent entendre.

— Bon ! — dit l’un des valets de ferme, — voilà père Jacques qui recommence sa musique.

— C’est que c’est l’heure où la petite Bruyère va le voir tous les soirs…

— Pauvre cher homme !… c’est lui vouloir du bien que de demander qu’il crève.

— Souffrir comme un possédé… Rester muet comme un poisson ;… et ça depuis plus de deux ans… C’est pis que la mort.

— C’est tout de même heureux que maître Chervin lui donne une litière dans l’étable et le reste de notre caillé… Sans cela, père Jacques crevait dans un fossé comme un chien.

— Et c’est bien de la part de notre maître, cette