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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/14

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lorsque le vent souffle, un bruit sourd, prolongé, imposant, comme le lointain mugissement de la mer ; bruit causé par l’agitation et le frôlement des branchages des arbres verts ; ce n’est pas non plus un spectacle sans majesté que de voir le soleil s’abaisser lentement derrière ces plaines immenses, unies comme un lac, et couvertes de bruyères roses et d’ajoncs d’un jaune d’or que la brise du soir fait doucement onduler, ainsi qu’une nappe de verdure de fleurs.

Les oiseaux de proie, qui choisissent pour repaire les grands bois déserts, les jean-le-blancs, les aigles de Sologne, les bondrées, les faucons, sont aussi nombreux dans ces solitudes que les oiseaux aquatiques.

Ce qui donne, surtout l’hiver, à cette contrée un aspect singulier, c’est l’éternelle et sombre verdure de ses sapinières mêlées de taillis de bouleaux et de chênes, où gîtent toujours le renard, le chevreuil, le loup, et où s’aventurent souvent les cerfs et les sangliers des forêts voisines.

Aussi ce pays est-il la terre promise du chasseur et conséquemment du braconnier, car le lièvre, la perdrix rouge, le faisan y abondent, et le lapin y pullule de telle sorte que, depuis le riche propriétaire dont il ronge les jeunes bois, jusqu’aux pauvres cultivateurs dont il broute les maigres guérets, tous le regardent comme un fléau destructeur.

Vers la fin du mois d’octobre 1845, par une belle journée d’automne, deux groupes d’aspect différent, venant de côtés opposés, s’avançaient l’un vers l’autre à travers une vaste plaine de bruyères, bornée au nord par un rideau de bois qui s’étendait à perte de vue.