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pas, jetant parfois un coup d’œil impérieux sur son escorte.

Cette physionomie était, pour ainsi dire, la physionomie officielle de M. Beaucadet ; mais, quoique gendarme, il n’en était pas moins homme… et homme aimable, ainsi qu’il se plaisait à l’affirmer lui-même, car, malgré la maturité de son âge, il ne renonçait pas à plaire, et le bruit de ses amours, non moins célèbre que ses procès-verbaux, retentissait de Salbres à Romorantin ; les fonctions à la fois civiles et militaires de M. Beaucadet, impassible instrument de la loi, l’obligeant à un certain décorum, son libertinage sournois lui donnait des allures de bailli de village, hypocrite et luxurieux. En un mot, que l’on jette la robe du commissaire (ancienne comédie) sur l’uniforme d’un vieux soudard, et l’on aura le portrait complet de M. Beaucadet, type précieux de la bêtise magistrale et satisfaite de soi.

Les veneurs et les gendarmes arrivant par deux routes opposées, devaient inévitablement se rencontrer à un carrefour, ouvert du côté de la plaine, et bordé du côté des bois par un taillis très-épais.

— Ah ! voici M. Beaucadet, — dit avec une sorte d’inquiétude le vieux piqueur à ses valets de chiens, en arrêtant son cheval auprès d’une croix élevée au milieu du carrefour, — il faut dire poliment bonjour à ce digne gendarme, car voyez-vous, mes garçons, le gendarme se salue toujours, vu que, le dimanche, il fait la police des cabarets, et comme il n’ose pas boire, ça le rend féroce pour la soif des autres.

M. Beaucadet rejoignit bientôt les veneurs, arrêta son cheval auprès du vieux piqueur, et s’adressant à ce der-