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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/18

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ronde chez les Américaines pour les déguster un peu du coin de l’œil.

— Et vous abandonnerez comme ça… cette pauvre petite Bruyère ? — dit le piqueur d’un air sournoisement narquois.

— Qui ça, Bruyère ? — demanda dédaigneusement Beaucadet, — Bruyère ? la gardeuse de dindons de la métairie du Grand-Genevrier, cette petite fille haute comme ma botte, qui a l’air d’une folle avec ses grands yeux effarés et ses couronnes de feuillage sur la tête, et que ces imbéciles de Solognaux regardent comme une petite sorcière ou quelque chose d’approchant. Ah ça, père Latrace, vous me croyez donc capable de faire partie du troupeau de cette dindonnière, pour me faire de pareils contes ?

— Allons donc, Monsieur Beaucadet, — reprit le vieux veneur avec un calme ironique, — allons donc, vous qui êtes connaisseur et amateur. Je vous ai entendu vingt fois dire qu’il n’y avait pas, à dix lieues à la ronde, une plus jolie fille que Bruyère, malgré sa petite taille.

— J’abusais de votre ancienne jeunesse, père Latrace.

— Dam, ils disent dans le pays qu’on vous a vu quelquefois courir dans la lande, avec vos grandes bottes, tenant votre cheval par la bride pour aider la petite Bruyère à rassembler ses dindes ?

— Moi !

— Oui, Monsieur Beaucadet, et on ajoute qu’un jour que vous aviez voulu batifoler avec la petite Bruyère, malgré elle, ses deux gros coqs-d’Inde,