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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/19

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qu’on croit qu’elle a charmés, et qui sont méchants qu’ils la défendraient aussi bien qu’un chien, vous ont sauté à la figure, même que vous avez eu le nez tout becqueté, quoique vous tâchiez de parer les coups de bec à coups de fourreau de sabre pendant que la petite Bruyère se sauvait en riant de toutes ses forces.

M. Beaucadet haussa le sourcil, releva fièrement son nez camard, et reprit de sa voix de procès-verbal, en tâchant de sourire ironiquement :

— De plus fort en plus farce ! moi, qui représente la force à la loi en chair et en os, je m’aurais aligné avec des coqs-d’Inde dont j’aurais été vaincu et becqueté pour avoir voulu bêtiser avec leur sorcière de dindonnière ! moi ? — Assez blagué l’autorité, vieux farceur ; parlons d’autre chose. Voilà donc M. le comte de retour ? Est-il pour long-temps dans le pays ?

— Ma foi, je ne sais pas ; M. le comte n’est pas causant ; quand il a dit : Faites cela ; il n’ajoute pas grand’chose ; c’est un homme si raide et si dur.

— Lui ! M. le comte ! je le crois bien, s’écria M. Beaucadet avec un sentiment d’admiration. — Voilà un propriétaire modèle ! aussi sensible aux si et aux mais, aux hélas ! et aux mon dieu ! que le serait un boulet de canon ; toujours à cheval sur la loi, son droit et sa propriété ; voilà un pince-sans-rire, qui vingt fois m’a fait l’amabilité de m’envoyer coffrer quelques-uns de ces traîne-la-mort de Solognaux parce qu’ils avaient ramassé du bois mort dans ses bois… Digne homme, pas pour le bois mort ! mais pour le respect de la chose… Va ! je t’estime ! Propriétaire féroce que tu es ! — ajouta M. Beaucadet,