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en manière d’évocation jaculatoire. — Et, quand il veut, quelle figure ! Il y a des procureurs de Roi et des commissaires de police qui paieraient de leur poche l’agrément d’un pareil physique rien que pour faire trembler les malfaiteurs. Aussi, à côté du comte, avouez, père Latrace, que son fils le vicomte a l’air d’une femmelette.

— Le fait est que M. le comte n’est pas ce qui s’appelle tendre ; mais il est juste ; s’il ne vous passe rien, il ne vous gronde jamais à tort. Après ça, on dit qu’autrefois il était très-bon enfant, et qu’il n’y avait personne au monde de plus avenant que lui à un chacun.

M. le comte… bon enfant… vous abusez de ma candeur, père Latrace.

— Si bon enfant qu’il en était faible…

M. le comte… faible… vous abusez de ma pudeur, père Latrace.

— Mais tout d’un coup, de mouton M. le comte est devenu loup.

— On l’aura tondu de trop près ?

— C’est possible ; du reste, il aime la chasse avec passion, et, pour moi, cette qualité-là remplace toutes les autres, — dit Latrace en souriant.

— Sans compter que tout chasseur est féroce pour les braconniers, autre vermine malfaisante ; témoin ce gueux de Bête-Puante[1], le bien nommé ; il a beau

  1. On nomme bêtes puantes, en langage de vénerie, les renards, putois, fouines, et les autres quadrupèdes destructeurs du gibier.