Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/280

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Que chacun en ce monde réponde de soi et pour soi, tant pis pour ceux qui sont de trop ici-bas ; on aurait trop à faire, si l’on voulait donner du pain à ceux qui crient la faim ; qui sait même s’il en resterait assez pour les riches, la population tendant sans cesse à dépasser les moyens de subsistance ? la charité est une folie, un encouragement à la misère… Eh bien ! Messieurs, que vous avais-je dit ?

— Le fait est, — dit l’ancien avoué, parfaitement convaincu, — qu’à ce point de vue, et c’est vrai, la charité est… illégale.

— Et notez bien, Messieurs, — reprit le comte de plus en plus triomphant, — que Malthus était à la fois un homme de génie et un excellent homme ; il n’avait rien de commun avec ces insolents et stupides réformateurs contemporains qui rêvent à la lune et à ce qui devrait être au lieu de songer à ce qui est. Malthus, sachant le vrai des choses, ne voulait leurrer, tromper personne ; rigoureux logicien, convaincu que les masses ont été, sont et seront de tout temps vouées au plus misérable sort, il a, dans son admirable livre, sévèrement défendu aux pauvres de faire des enfants ; et il a raison : à quoi bon cette graine de meurt-de-faim ? Marcus, disciple de Malthus et d’Adam Smith, autre grand économiste, a été plus… conséquent encore : il a courageusement proposé la suppression des enfants du pauvre.

— Diable, — dit M. Chandavoine en se grattant l’oreille, — ce Marcus était un gaillard…

— D’un esprit rigoureusement logique, — dit le comte avec son ironie acérée. — Enfin saint Jean-