Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/330

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L’un de ces deux hommes commandait à l’autre ; il avait l’air rogue, important ; sa casquette à la Perinet-Leclerc (mode un peu surannée) était enfoncée jusqu’aux oreilles ; son long nez portait une paire de besicles ; il tenait à la main un carnet sur lequel, après les avoir examinés, palpés, d’un œil connaisseur, il inscrivait le nombre des animaux de la ferme ; cette besogne accomplie, vint le tour des instruments aratoires aussi notés sur le carnet de l’homme aux lunettes ; puis ce furent les sacs de grain après leur pesée, puis enfin les fourrages qui restaient dans le grenier défoncé de la métairie ; le tout fut compté botte à botte, sac à sac, sous la surveillance de cet homme, qui n’était autre que M. Herpin, un des gens du Roi, à la fois expert et huissier à Salbres, assisté de son clerc, tous deux se préparant, par une estimation approximative, à la saisie de ce qui appartenait à maître Chervin, métayer du Grand-Genevrier. Une grande affiche jaune, flottant au gré du vent, clouée sur les débris de la porte de la métairie, annonçait que cette vente, par autorité de justice, aurait lieu à la dite métairie le dimanche suivant, à l’issue de la messe.

L’homme du roi[1] ayant terminé l’évaluation des modiques valeurs que renfermait la métairie, se disposait à entrer chez maître Chervin le fermier, lorsqu’une femme âgée, misérablement vêtue, au visage pâle,

  1. Dans ce temps si excellemment monarchique, où l’on se complaît à dire : — le gouvernement du roi, — les ministres du roi, — les ambassadeurs du roi (de france ?… peu ou prou), nous céderons au torrent, et nous appellerons gens du roi, les huissiers, avoués, recors, etc., qui instrument, saisissent, exproprient et emprisonnent au nom du roi.