Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/331

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aux yeux rougis par les larmes, descendit précipitamment les quelques pierres inégales et moussues qui conduisaient à la porte de la chambre du fermier, alors, timide, suppliante, s’approchant de l’huissier, elle lui dit en joignant les mains et lui barrant presque le passage :

— Mon cher bon Monsieur… Je vous en prie…

— Eh bien, quoi ? Encore des jérémiades ? des pleurs ? — reprit l’homme du Roi avec une brusque impatience. — Que diable voulez-vous que je fasse à cela, moi ? Vous devez votre fermage, vous ne pouvez pas payer, M. le comte vous fait saisir et vous renvoie de la ferme, c’est son droit.

— C’est vrai, mon cher bon Monsieur, c’est vrai… — répondit la pauvre femme, — nous ne pouvons pas payer… on nous saisit… on nous renvoie… je le veux bien.

— Vous le voulez bien ? merci de la permission. Vous ne le voudriez pas, ce serait tout de même. Avec ça que M. le comte est un gaillard à se laisser intimider. Il ne connaît que la loi et son droit… Il veut payer ce qu’il doit, il veut qu’on lui paie ce qui lui est dû, et il a raison.

— Hélas ! mon Dieu… je le sais bien qu’il a raison, puisqu’on nous saisit et qu’on nous chasse.

— Eh bien ! alors, laissez-moi finir mon inventaire, — dit l’homme du Roi en faisant un geste pour repousser la femme qui l’empêchait de monter l’escalier, — il faut que je passe à l’estimation de vos meubles ;… c’est par là que je finis ;… la nuit vient,… je ne veux pas m’attarder dans vos bruyères et dans vos marais,…