— Oh non ! — m’écriai-je.
— Alors, pourquoi ton maître t’a-t-il renvoyé ?
Je ne sus rien répondre.
Après un assez long silence pendant lequel le colporteur m’avait attentivement regardé, il reprit :
— Que vas-tu devenir ?
— Je ne sais pas.
— Tes parents…
— Je n’ai ni père, ni mère…
— Où étais-tu avant d’être chez Limousin ?
— Je ne sais pas.
— Qui t’a placé chez lui ?
— Je ne sais pas.
— Personne au monde ne s’intéresse donc à toi ?
— Personne…
La Levrasse se tut de nouveau, se rapprocha davantage encore de moi comme pour me mieux observer, car la nuit avançait ; mais, ne trouvant pas, sans doute, son examen assez complet, le colporteur me dit :
— Debout.
La peur m’empêchant de lui obéir, la Levrasse, avec une vigueur que je ne lui aurais jamais soupçonnée, me prit par le collet de ma souquenille, me releva d’un poignet de fer, et me planta droit sur mes jambes ; alors, me palpant par tout le corps de ses doigts durs et osseux, il dit à demi-voix, à mesure qu’il avançait dans ses investigations :
— Bonne poitrine,… bons membres… bonne charpente… il n’a pas dépéri, la nourriture fera le reste ; la force et la souplesse viendront… deux ans