des cadavres, et dans mon illusion il me sembla même que plusieurs d’entre elles étaient ensanglantées ; de plus en plus épouvanté, je courus à la porte, elle était solidement fermée ; ne pouvant fuir, je m’appliquai à ne plus lever les yeux vers l’effrayant plafond.
La vue des autres objets qui m’entouraient, firent une heureuse diversion à ma peur ; la grande caisse de bois servant de lit était remplie de feuilles de maïs bien sec, sur lesquelles je vis à demi dépliée une épaisse couverture de laine ; le lard que l’on m’avait servi me paraissait fort appétissant, le pain était blanc, la bière, fraîchement tirée sans doute, couvrait d’une mousse épaisse les bords du cruchon de grès ; de ma vie je n’avais eu à ma disposition un si bon gîte, un si bon lit, un si bon repas, pourtant il me fut impossible de toucher à ce souper ; je n’osais pas même, malgré ma fatigue, m’étendre sur la couche de maïs ; je m’assis en tremblant sur les carreaux du sol, auprès du foyer, dont la chaleur réchauffait mes membres engourdis.
En me voyant au pouvoir du colporteur dans un lieu inconnu, il me semblait avoir quitté mon maître depuis un long espace de temps, et être à une énorme distance de notre masure, dont je ne m’étais pourtant éloigné que depuis quelques heures ; parfois je me croyais encore sous l’empire de l’ivresse ; alors les événements dont j’étais acteur et témoin, me paraissaient des illusions, des songes, dont je me réveillerais tôt ou tard sous le toit de notre pauvre cabane.
Chose singulière, lorsque j’admettais cette supposition, loin d’être rebuté par ma première excursion dans