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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/441

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pliant, je me précipitai vers la porte entr’ouverte ; cette folle tentative de fuite fut vaine ; la Levrasse me rattrapa sur le seuil, et me ramena vers le lit en me disant :

— Sois donc sage, petit Martin… Tu veux te sauver… pour aller chez ton maître ? tu es fou… qui t’enseignera ton chemin ? personne ; il n’y a pas d’habitation dans les bois que nous avons traversés ; aussi ce soir tu serais comme je t’ai trouvé hier, prêt à mourir de froid ou d’être mangé par les loups. Et puis enfin… ajouta la Levrasse d’un ton menaçant, — je ne veux pas, moi, que tu sortes d’ici. Sois tranquille, les portes sont bonnes et les murailles hautes ; lorsque je quitterai cette maison, tu viendras avec moi, et, — ajouta-t-il en reprenant sa voix doucereuse, — tu n’en seras pas fâché, petit Martin.

Me voyant absolument au pouvoir de la Levrasse, je n’essayai ni de l’apitoyer sur mon sort, ni de changer sa résolution ; retombant sur ma couche, je poussai cette plainte, qui formulait toujours la suprême expression de mon désespoir :

— Je n’ai ni père, ni mère ; personne n’aura pitié de moi !

— Qu’est-ce que tu dis donc ? que tu es sans père ni mère, petit Martin ? mais je serai ton père, moi, et je te donnerai une mère, — ajouta la Levrasse avec un sourire sardonique, — oh ! une mère comme tu n’en aurais jamais eu, j’en suis certain.

Et, la Levrasse s’écria, de sa voix claire et glapissante, en faisant quelques pas vers la porte :

— Eh ! mère Major

— Je finis de bercer Bamboche, — répondit une voix