Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/45

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Le vieux piqueur, instruit de cet incident par le brusque silence de la meute, se hâta de la rejoindre pour lui venir en aide ; mais il s’arrêta net et court à la vue de l’arbre renversé qui le séparait de ses chiens, et dont le tronc hérissé de branches formait un obstacle des plus dangereux à franchir ; maître Latrace, malgré son courage et la vigueur de sa monture, était un veneur trop expérimenté pour risquer, par prouesse inutile, une chute peut-être mortelle pour lui ou pour son cheval ; voyant de chaque côté du tronc d’arbre le passage aussi obstrué par un fourré inextricable, il fit un long circuit afin d’aller retrouver ses chiens.

Tout-à-coup deux femmes en habit de cheval, se suivant à peu de distance l’une de l’autre, arrivant à travers bois, se trouvèrent en face de l’arbre renversé devant lequel le vieux veneur avait sagement reculé ;… presque au même instant elles furent rejointes par deux cavaliers qui, à l’aspect du redoutable obstacle, s’écrièrent à la fois d’une voix effrayée :

— Madame,… arrêtez votre cheval…

— Mademoiselle,… prenez garde…

Malgré ces recommandations, ces prières, celle des deux femmes qui avait paru la première, n’étant plus en mesure d’arrêter l’élan de son cheval, ou se plaisant, par témérité, à braver le péril, appliqua un vigoureux coup de cravache à sa monture, et lui fit sauter le tronc d’arbre avec autant d’audace que de grâce ; seulement la violence du saut et l’action du vent soulevant un peu la longue jupe de cette femme intrépide, on vit le fin contour d’une jambe élégante chaussée d’un bas de soie blanc ; et fermement appuyé sur l’étrier, un pied char-